Adeline Lucchesi

Collaboration MOOCS

Cogni’Junior a contribué à deux MOOCS entre fin 2017 et début 2018. Retour d’expérience.

par Adeline Lucchesi et Christophe Rodo

 

Education par la recherche : Neurosciences à l’école

Cette année encore, Cogni’Junior répond présent au rendez-vous des Savanturiers et plus particulièrement à l’équipe dynamique composée de Fabien, Régis et Camille. De nombreux membres de notre association ont contribué à ce MOOC. Roselyne, Jessica et Adeline ont créé et/ou présenté du contenu, notamment pour les extensions. Caroline, Adeline, Christophe et Kevin ont parcouru avec un oeil attentif une grande partie du contenu proposé par les Savanturiers. Quant à l’animation, Adeline, Christophe et Kevin ont répondu à quelques questions du forum et ont suivi les avancées des participants et évalué plusieurs projets. Cette année la principale nouveauté, en vue d’alléger le travail du mooc-eur, correspondait à la production non pas d’une expérimentation de A à Z, mais simplement d’une réflexion anticipative du déroulement du projet. Ce MOOC se proposait donc davantage de donner les clés pour aider les enseignants à amorcer ce travail pré-expérimentation. Le pari était aussi de faire se rencontrer, au moins virtuellement, les mooc-eurs motivés ayant les mêmes centres d’intérêt afin de décupler leur travail et d’augmenter les probabilités que leurs projets aboutissent une fois les 5 semaines du MOOC terminées. Des retours d’expérience et un moment de partage autour d’enseignants et de leurs classes sont prévus, comme d’habitude, lors du Congrès des Savanturiers, qui se déroulera sur plusieurs dates et dans différentes villes.

Une aventure enrichissante que l’équipe de Cogni’Junior a été heureuse de pouvoir itérer.

Apprendre et Enseigner avec les Sciences Cognitives

Adeline

Comme l’an dernier, Jean-Luc Berthier et l’Armée de Terre m’ont offert la possibilité de contribuer aux échanges sur leur MOOC, m’incluant gracieusement à l’équipe pédagogique. J’ai eu l’occasion de partager avec des participants et de laisser transparaître l’attitude curieuse et réflexive qu’un chercheur peut avoir en mettant l’accent sur le sujet d’étude qui préoccupait particulièrement, à savoir les apprentissages scolaires. Un plaisir !

 

Christophe

Cette année, j’ai eu le plaisir d’intégrer l’équipe pédagogique du MOOC “Apprendre et Enseigner avec les Sciences Cognitives” porté notamment par Jean-Luc Berthier et l’Armée de Terre. Mon rôle au sein de cette équipe m’a permis d’être en contact direct avec les participants du MOOC afin de répondre à des questions extrêmement précises, mais toujours très intéressantes à propos de mes sujets de prédilections, la mémoire et les apprentissages. Cette mission passionnante et enrichissante qui a été la mienne au cours de ces quelques semaines, m’a permis de répondre à des questions de fond scientifique assez pointues, tout en me permettant d’exposer le fonctionnement de la recherche en questionnant, entre autres, les participants sur la formulation des questions, la fiabilité des sources et en mettant en avant la démarche scientifique.

 

Les questions d’Adeline : Alexia et l’hyperlexie

Alexia et Adeline, deux membres de Cogni’Junior, se découvrent un intérêt commun pour le développement de l’enfant et les pédagogies alternatives. Retour sur un échange en interne !

par Alexia Ostrolenk et Adeline Lucchesi

relecteur Roselyne Chauvin

Alexia Ostrolenk

Bonjour Adeline! Je vais commencer par te présenter mon parcours. Après une formation en neurosciences et sciences cognitives, je suis maintenant en doctorat en sciences psychiatriques à l’Université de Montréal. Je travaille avec des enfants autistes et j’essaye d’en savoir plus sur leurs modes d’apprentissage, notamment pour l’apprentissage de la lecture. Je m’intéresse particulièrement à l’hyperlexie. Les enfants hyperlexiques sont fascinés par les lettres et les mots à un très jeune âge, et apprennent généralement à lire très tôt sans qu’on leur enseigne.
Je m’intéresse aussi beaucoup à la pédagogie et aux méthodes alternatives, parce que notre système éducatif n’est pas forcément bien adapté aux enfants autistes, ou à tous les autres enfants différents. Je suis donc curieuse d’en savoir plus sur ton domaine d’expertise, la pédagogie Montessori. On pourrait peut-être trouver des applications des méthodes que tu utilises appropriées pour les enfants autistes!

Adeline Lucchesi

J’ai un Master Recherche en Sciences Cognitives et je voulais poursuivre par des applications à l’éducation. Je me suis donc formée à la pédagogie Montessori; qui a le privilège de commencer à être testée scientifiquement et d’avoir bonne réputation à l’heure actuelle. Ceci-dit, je conserve un attrait plus large, pour les pédagogies alternatives en général.

L’article de ta remise de prix m’a interpellée : l’hyperlexie (grand intérêt pour la lecture, sous entendu très tôt et tout seul) pourrait être liée à l’autisme. Les écoles Montessori se flattent parfois que leurs élèves apprennent à lire très tôt et tout seul. S’agit-il de la même chose ?

A. O.

Je ne suis pas sûre qu’on puisse comparer l’hyperlexie à la lecture chez les enfants typiques. Chez un enfant autiste, le plus jeune lecteur dont on m’a parlé lisait des mots à 18 mois. C’est un exemple extrême, mais généralement, les hyperlexiques lisent avant 4 ans. Certains apprennent vraiment tout seuls, sans aucun matériel pédagogique mis à disposition car on les croit trop jeunes pour ça. Évidemment, ils sont exposés à des mots et des lettres sans arrêt comme tout le monde, avec la publicité, les journaux, les étiquettes, les sous-titres des vidéos, …
Les enfants typiques apprennent généralement à lire pour communiquer, comprendre un message, tourner les pages d’un livre d’histoires par exemple. Chez les hyperlexiques, c’est une lecture plus compulsive, et des mots séparés un peu partout plus que des phrases complètes. On parle de capacité de décodage plus que de lecture, et le niveau de compréhension est inférieur. Pour l’instant, on en sait assez peu sur comment et pourquoi l’hyperlexie se développe. C’est le sujet de mon doctorat!
Comment se passe l’apprentissage de la lecture avec tes élèves ? Je me demande si le matériel Montessori qui marche avec les enfants neurotypiques pourrait s’adapter au fonctionnement différent des enfants autistes.

A. L.

Si les élèves d’écoles Montessori ont souvent la sensation d’apprendre à lire par eux-mêmes, ils/elles sont cependant au contact d’un matériel pédagogique spécifique (les lettres rugueuses, l’alphabet mobile…) censé supporter et favoriser l’acquisition de la lecture notamment à travers un mode de présentation et d’apprentissage basé sur des jeux mnésiques précis (la leçon en trois temps). L’enfant acquiert de l’information sur la lettre, non seulement visuellement, mais aussi en entendant le son associé à cette lettre et en traçant sa représentation graphique. Il/elle apprend à les discriminer. On lui apprend ensuite à combiner les sons des lettres sur des mots très courts puis on s’exerce sur des mots plus longs. Les exceptions sont explicitées, à l’instar de « en » qui ne se prononce pas « eu-ne ». Mais voilà, l’idée c’est de leur donner les briques de base et de les voir se les approprier et généraliser par eux-mêmes.
Trois-six ans, c’est la tranche d’âge durant laquelle les enfants en établissement Montessori sont exposés aux fondamentaux de la lecture et nombre d’entre eux présentent une grande curiosité à cet égard, avec une explosion à 4 ans.

A. O.

Dans le cas de l’hyperlexie, on observe une sorte d’appétit précoce et avancé pour les lettres. La plupart des enfants autistes s’intéressent à la lecture avant même de maîtriser le langage oral. Ils ont l’air de trouver tout le matériel d’apprentissage nécessaire dans leur environnement, mais peut-être que le matériel Montessori serait une façon d’enrichir ce qui est à leur disposition.

A. L.

Pardonne ma question de non initiée, mais, retrouve-t-on dans la littérature scientifique des données qui soutiennent l’idée selon laquelle les enfants autistes auraient du mal à faire le tri concernant l’ensemble des stimuli de leur environnement ou est-ce une croyance dépassée ? Par exemple, moi, là maintenant tout de suite, je fais attention à ce que tu dis, et non pas au bruit du café en cours, ou de la voiture qui passe dans la rue… Mais s’il m’était difficile d’ignorer les stimuli de l’environnement – comme j’ai cru comprendre que c’était le cas avec des enfants autistes – même les stimuli les moins pertinents ou utiles, alors, il est probable que toutes ces lettres présentes partout, étiquette, publicité, papiers tomberaient sous le champ de ma perception, comme tout le reste, non ?

A. O.

Tout à fait. Certaines études rapportent que les autistes ont plus de mal à faire le tri dans leurs perceptions, et absorbent beaucoup d’informations à la fois. Les lettres sont très présentes autour de nous, et en plus, elles offrent une certaine constance et ont donc un côté rassurant, tout particulièrement pour des personnes attachées à la régularité et à une certaine routine. Les autistes ont aussi des facilités en reconnaissance de patterns, ce qui fait que les lettres pourraient être parfaitement adaptées à leur perception!

A. L.

Et dans ce cas, il ne s’agit plus de penser que les enfants autistes et hyperlexiques privilégient le langage écrit avant le langage oral, ce qui paraît surprenant quand on pense à une chronologie ou hiérarchie dans la communication humaine; mais plutôt que ce sont deux choses différentes et dans deux plans différents, l’une étant reliée aux symboles et patterns, à une question de régularité dans l’environnement; et l’autre à la communication. Finalement dans leur environnement, ils/elles sont très exposés au langage écrit et oral mais cela n’implique pas qu’ils/elles écrivent ou parlent précocément. Cela implique seulement qu’ils/elles reconnaissent le système d’écriture parce qu’ils/elles sont sensibles aux régularités et donc présentent les caractéristiques de l’hyperlexie.

A. O.

C’est exactement ça! Dans un projet de recherche que j’ai commencé à la clinique d’évaluation de l’autisme où je travaille, nos données préliminaires montrent que 40% des enfants autistes diagnostiqués à la clinique avaient aussi un intérêt intense ou exclusif pour les lettres, ce qui était significativement supérieur à ceux qui n’obtenaient pas de diagnostic de trouble du spectre autistique. Ce deuxième groupe avait des traits autistiques qui justifiaient leur visite à la clinique, mais leur évaluation d’autisme était finalement négative. On va maintenant comparer ces résultats avec ceux d’un groupe d’enfants neurotypiques. Cela peut suggérer que l’intérêt précoce des enfants autistes les pousse vers l’apprentissage de la lecture très tôt. Des études supplémentaires sont nécessaires, mais c’est un champ de recherche passionnant !

A. L.

Oui ! Merci de partager le fruit de ton travail ! La pédagogie Montessori ne parle pas tellement de la relation entre parler et lire, si ce n’est qu’elle reconnaît l’antériorité du langage oral sur la lecture, comme communément accepté de tous. Par contre, elle souligne l’importance de donner les moyens aux enfants d’écrire, avant de lire. Parce qu’écrire est plus simple, dans le sens où l’auteur connaît d’emblée le contenu du message, alors que pour lire, on peut n’avoir aucune idée de ce dont il s’agit. Ecrire c’est vouloir transmettre, et ça fait donc partie de l’élan qu’on a, de vouloir communiquer avec l’autre, alors que lire c’est déchiffrer la pensée d’autrui. Et puis, le matériel pédagogique Montessori propose des outils plutôt ingénieux pour aider l’enfant qui a cette soif de partage mais ne peut pas encore physiquement écrire, en proposant par exemple un alphabet mobile. L’enfant qui ne maîtrise pas encore sa main pour écrire adéquatement, peut, de façon moins fine, attraper de petites lettres en bois déjà formées, et n’a qu’à les agencer, les ordonner, pour former sa pensée – écrire.

A. O.

Ce raisonnement se tient tout à fait pour des enfants typiques, mais pas pour les autistes qui sont bien plus intéressés par le décodage que par la communication orale à cet âge-là. En revanche, je te suis tout à fait sur l’idée de mettre du matériel à disposition des enfants même lorsqu’ils n’ont pas encore développé toutes les aptitudes nécessaires pour le maîtriser! On voit souvent des enfants qui ne sont pas encore capables de tenir un crayon et d’écrire sur papier, mais qui tapent des mots entiers sur un clavier d’ordinateur ou un Ipad. On pourrait facilement croire qu’ils sont incapables d’écrire si on se trompait de matériel! Je crois qu’il est vraiment important de penser aux meilleures façons de découvrir le potentiel maximal des enfants, ou plutôt de leur laisser nous le montrer. Et c’est valable pour tous les enfants, autistes ou non! Dans le cas des enfants autistes, mon groupe de recherche se concentre sur leurs forces plutôt que leurs déficits, et ça a un très grand impact sur la façon dont ces enfants sont perçus. On veut montrer aux parents que leurs enfants ont certaines capacités exceptionnelles, et qu’on peut les mettre à profit pour travailler sur les faiblesses.

A. L.

Merci pour cet échange !

A. O.

À bientôt !

OCEANA : appliquer les neurosciences en classe ?

CONSTATS

Notre société évolue à un rythme soutenu, à l’image des développement des nouvelles technologies. Celles-ci se veulent toujours plus attractives et addictives. Des transformations s’opèrent déjà en profondeur chez les jeunes générations que les enseignants trouvent de plus en plus difficile à « canaliser« . Ainsi l‘école fait face à une profonde remise en question : chefs d’établissement, enseignants, parents et accompagnants sont  nombreux à réfléchir à des solutions. Ils assistent à des conférences ou colloques d’experts, de chercheurs ou de pédagogues qui innovent  (interventions  de François Taddéi ou Stanislas Dehaene) pour mieux comprendre les phénomènes d’apprentissage et repenser les stratégies à appliquer en classe. Parmi les préoccupations de premier plan nous retiendrons notamment : 
Comment optimiser l’écoute et la concentration des élèves ?
Quelles stratégies adopter par les élèves et les enseignants pour optimiser les apprentissages ?

APPORTS DES NEUROSCIENCES

 
Aujourd’hui, ces interrogations sont également soulevées et étudiées par tout un pan de la recherche en sciences sociales, sciences cognitives et neurosciences et tout particulièrement à leur carrefour. Loin de produire des formules miracles, elles peuvent cependant compléter la formation du corps enseignant et informer et éclairer politiciens et chefs d’établissement quant aux directions qu’ils prennent. Ainsi, de plus en plus de partenariats entre des Laboratoires de Recherche et des Ecoles se mettent en place, donnant lieu à des Recherche – Action, où les deux entités sont à long terme gagnantes. Plusieurs grandes fonctions du cerveau sont pertinentes dans le cadre des apprentissages : l’attention, la mémoire, ou encore la régulation des émotions, en particulier concernant la motivation, le stress et le bien-être à l’école. Certaines recommandations ont d’ores et déjà été proposées par les chercheurs sur base d’accumulation de données scientifiques (par exemple que dormir suffisamment permet de mieux retenir les informations apprises). Helas, dans cette dynamique de grande demande provenant du corps enseignant, d ‘autres entités viennent vendre des méthodes non validés scientifiquement. Il faut donc prévenir ces dérives en offrant des outils qui ont été créés et validés par des scientifiques.
Nous nous basons sur de multiples recherches qui montrent que :
  • Montrer comment le cerveau et les apprentissages fonctionnent permet d’améliorer les performances scolaires, surtout chez les jeunes de milieu défavorisé : Dekker & Jolles, 2015; Paunesku et al., 2015; Claro & Dweck 2016
  • Il est important d’apprendre à réguler le stress et les émotions pour le developpement du cerveau : Hedges & Woon, 2010
  • Comprendre le fonctionnement de l’attention, les fonctions executives et les émotions et les réguler impactent l’apprentissage et les compétences socio-emotionnelles importantes pour l’avenir professionel : Diamond 2010, 2011; Schonert-reichl et al., 2015; Deheane – 2014, Houdé – programme scholaire en cours 2017